L'Allemagne appelée par la Commission européenne à modifier
sa législation fiscale sur les successions et donations

Le 14 mars 2011, la Commission européenne a demandé à l'Allemagne de modifier sa législation en matière de droits de succession et de donation. Elle considère en effet que les dispositions fiscales allemandes actuellement en vigueur font subir une discrimination aux résidents des autres États membres de l’Union européenne et constitue, de la sorte, une entrave injustifiée à la libre circulation des capitaux, prévue à l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et à l'article 40 de l'accord sur l'Espace économique européen.

Quelles sont les dispositions fiscales considérées discriminatoires?

Les non-résidents recueillant une succession ou une donation sont imposés en Allemagne (§ 2 al. 1 n° 3 ErbStG) pour les biens énumérés au § 121 de la loi d'évaluation allemande (Bewertungsgesetz: BewG) comme, par exemple, les immeubles et les biens d’exploitation situés en Allemagne. L’abattement qui leur est octroyé par la législation fiscale allemande n’est que de 2.000 €, indépendamment du degré de parenté (§ 16 al. 2 et § 2 al. 1 n° 3 ErbStG) alors que les personnes physiques qui ont un domicile ou leur résidence habituelle sur le territoire allemand bénéficient d'un abattement personnel d'au moins 20.000 €. En fonction du degré de parenté, ce dernier s’élève à :

A cela s'ajoutent des abattements supplémentaires pour frais de subsistances alimentaires ("Versorgungsfreibetrag": § 17 ErbStG) :

Exemple : Un couple de français décide de passer sa retraite en France, après avoir vécu et travaillé en Allemagne. Le mari décède et laisse à sa femme une maison à Munich d’une valeur fiscale de 800.000 €. En France, les droits de succession n'existant plus entre conjoints, l'épouse survivante ne sera pas imposable. En Allemagne, après déduction de l’abattement de 2.000 €, elle devra s’acquitter de l’impôt sur les successions d'un montant de plus de 150.000 €. En comparaison, si le couple avait continué à résider en Allemagne, l’impôt sur les successions se serait élevé à 3.080 €.

Selon la Commission, les mesures fiscales allemandes sont non seulement discriminatoires puisqu'elles créent un désavantage sérieux pour les citoyens vivant à l'étranger mais également contraires à la libre circulation des capitaux, dans la mesure où elles représentent un frein aux investissements immobiliers de ces derniers en Allemagne. En outre, en alourdissant le poids de l’impôt pour les non-résidents, la législation fiscale allemande a pour effet de diminuer de manière artificielle la valeur de la succession.

Quelles sont les conséquences de la demande de la Commission ?

Si, dans les deux mois, soit jusqu'à la mi-mai 2011, la Commission n’a reçu aucune réponse satisfaisante de la part de l’Allemagne, elle pourra saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJCE). Les juges de Luxembourg suivront avec une grande probabilité la demande de la Commission.

Dans un arrêt du 24 avril 2010 (C-510/08, Mattner), ils ont en effet déjà jugé que la législation fiscale allemande en matière de donation et succession était contraire au droit communautaire. Selon la CJCE, la situation des résidents et non-résidents est comparable dans le cas d’une donation de biens immobiliers. La différence de traitement fiscal qui leur est appliquée est donc injustifiée. Les juges luxembourgeois estiment que le lieu de résidence de l'héritier ou du donataire ne constitue aucune différence objective justifiant une restriction à la libre circulation des capitaux. L'égalité de traitement en matière d’obligation fiscale suppose donc des abattements fiscaux identiques.

Malgré cette condamnation, le législateur allemand n’a, jusqu'à présent, toujours pas adapté sa législation.

Quels sont les recours offerts aux personnes concernées?

Sur le fondement des décisions communautaires, les personnes concernées peuvent exiger de leur centre des impôts les mêmes abattements que ceux réservés aux résidents, en cas de succession ou donation de biens immobiliers situés en Allemagne et ce, tant que leur avis d’imposition n’est pas devenu définitif.

Source:
- Communiqué de presse de la Commission de l'UE du 14/03/2011 - IP/11/294
- Arrêt de la CJCE, du 22.04.2010 - C 510/08


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